SOS pour John Lumbala

Ancien directeur des ressources humaines à la Banque Congolaise (ex-UZB), John Lumbala a été arrêté, à son domicile, à Kinshasa, jeudi 11 décembre dernier, par des agents de l’Agence nationale des renseignements (ANR). L’interpellation de cet ancien haut cadre d’une banque par des agents de la «Sûreté nationale» est diversement commentée. D’aucuns allèguent que Lumbala détiendrait de «documents top secrets» sur une affaire de «sale monnaie» pouvant impliquer des bonzes de l’«entourage présidentiel».

Kinshasa. Correspondance particulière.

Dans un communiqué daté du 15 décembre revêtu des signatures de l’avocat Jean Claude Katende et de Georges Kapiamba respectivement président et vice-président, l’Association africaine de défense des droits de l’Homme (Asadho) faisait état de «l’arrestation et la détention arbitraires» de John Lumbala. Celui-ci a été interpellé, le jeudi 11 décembre, aux alentours de 6h30 par des agents de l’Agence l’ANR, autrement dit la Sûreté nationale congolaise. A en croire cette association, les «James Bond» de l’ANR auraient agi en dehors de toute légalité en présentant aucun mandat ni ordre de mission. Lumbala a été acheminé, menotté, avant d’être jeté dans le cachot situé sur l’ex-avenue de 3Z, non loin du cabinet du premier ministre. «John» s’attendait sans doute à être questionné sur une affaire d’«intelligence avec une puissance étrangère». Hélas non ! «A son arrivée à l’ANR, indique le communiqué de l’Asadho, Monsieur John Lumbala a été interrogé brièvement sur son cursus professionnel et les informations qu’il détiendrait sur la Banque Congolaise ainsi que sur le Contrat d’Assistance à l’Ofida (CTC)».

«Divergence d’opinions»

Qui est John Lumbala ? Que vient faire l’ANR dans une affaire qui ne touche nullement au bon fonctionnement des institutions de l’Etat encore moins à la sécurité nationale de la RD Congo ? Quel secret détiendrait ce «cadre dynamique» pour qu’il intéresse les «services» à ce point ? Qui tirerait les ficelles dans les coulisses ? Voilà autant de questions de nature à rassembler les pièces du puzzle. John Lumbala a travaillé à l’ex-Union zaïroise des banques, rebaptisée «Banque Congolaise» (BC) en qualité de directeur des ressources humaines. Selon des sources proches de l’Asadho à Kinshasa, l’homme aurait démissionné de ses fonctions en août de l’année 2008 finissante. Pourquoi ? Suite à des «divergences d’opinions» avec le président du conseil d’administration (PCA) de la BC, du nom de Roger Yaghi, d’origine libanaise. Qu’entend-on par divergences d’opinions ? «Roger Yaghi - dont l’épouse d’origine congolaise, née Florentine Kalubi Tshimanga, a été nommée consul de la RD Congo au Liban – aurait trempé dans une affaire d’importation d’«argent sale» voire de «fausses monnaies» en RD Congo», explique une source proche des milieux bancaires. En quoi ces affaires concernent-ils Lumbala ?

«Importation d’argent sale» et CTC

«John Lumbala se trouve dans le mauvais rôle de l’homme qui en savait trop. Il est suspecté de détenir des documents notamment des mails échangés par le controversé PCA et ses partenaires étrangers et congolais au sujet de certains transferts d’argent mais aussi sur le contrat d’assistance entre l’Ofida et la Customs Tax Consulting (CTC).» Selon une autre source, Yaghi aurait des «amis très puissants» au sein de la Présidence de la République. Fin août 2008, l’Office des douanes et accises - représentée par les ministres des Finances, du Budget (alors, Adolphe Muzito) et du Portefeuille - signait un contrat d’assistance avec la «firme» américaine «Customs and Tax Consultancy» (CTC). Pour l’anecdote, la CTC a été créé à la veille de la signature de cette convention unanimement dénoncée tant par l’Assemblée nationale que par l’Intersyndicale de la Douane pour son caractère «léonin» et «inopportun». A la Présidence de la République, le mot d’ordre semblait s’articuler sur six mots : «Le chien aboie la caravane passe». Selon certaines sources, derrière la CTC se dissimuleraient, en fait, certains milieux libanais bénéficiant de puissants soutiens à la Présidence de la RD Congo. Devrait-on parler de «blanchiment d’argent» ? «La Customs Tax Consulting, commente un expert, est constitué des actionnaires pour la plupart d’origine Libanaise. Un de ces ressortissants du pays du Cèdre, ex-manager d’une agence en Douanes sous licence de l’Ofida, trône aujourd’hui à la tête d’une banque commerciale grâce à une aide non-désintéressée du gouverneur de la Banque centrale du Congo».

L’homme qui en savait trop

Il semble qu’un ancien directeur du cabinet présidentiel, qui est par ailleurs «actionnaire» dans la CTC, a pu y faire embaucher sa tendre épouse de nationalité camerounaise. Pour la petite histoire, l’Etat congolais n’a jamais lancé d’appel d’offres sur le contrat d’assistance attribué à la Customs. L’affaire a été rondement menée au niveau de la plus «haute hiérarchie» du pays. En fait le gouvernement d’alors, dirigé par le Premier ministre Antoine Gizenga, n’avait pas jugé utile de passer par un appel d’offre. Avait-il subi de pressions de la part de la «haute hiérarchie» ? Sans doute. «Le gouvernement de la RDC ne l’a pas jugé nécessaire. Il a usé de son pouvoir discrétionnaire», répondait le ministre congolais des Finances, Athanase Matenda Kyelu, à la presse kinoise. Une explication un peu courte d’autant plus qu’il n’y avait aucune urgence ni un intérêt national à préserver, indique-t-on. *John Lumbala est l’homme qui en sait trop. Il est manifestement harcelé par des membres de la maffia locale dont les tentacules s’étendent de certains milieux bancaires kinois à la Présidence de la République conclut un expert financier*